Exposition personnelle : Onjes-sur-Joult
Lieu : Les Bains-Douches d’Alençon
Date : 2021
Production : Les Bains-Douches d’Alençon
Photos : Romain Darnaud

Texte : Ana Mendoza Aldana


“Une goutte qui tombe dans un seau, ça laisse dans l’oreille un son rond, sur la langue un goût de métal, couleur argent, puis cuivre, rouille verte. Ce soir ça m’a encore réveillée.

L’oreiller trempé, je le retourne. J’ai la nuque chaude, le corps qui brûle. J’enlève la couverture, je me dis que ça va mieux, puis j’ai froid, je gèle, je grelotte. Chaque follicule pileux se dresse le long de ma colonne vertébrale : je fais le dos rond, mon poil se hérisse.

La goutte encore. C’est comme si mes lèvres avaient entouré le canon frigorifié d’un pistolet quelques instants. Les yeux fermés, ma bouche formant un “O” à la courbure parfaite. Un after-taste rouge brique, de sang séché.

J’ai laissé ma blouse sur la chaise, elle est pétrifiée mais elle est sèche. Je me couvre. Je ne dors pas, j’allume ma lampe de chevet. J’ai oublié un ticket à gratter à côté du cendrier. Une pièce d’1 € entre mes doigts moites, je gratte : la pellicule mate se détache, un rectangle d’un vert émeraude se dévoile. Monochrome minime. Un monochrome personnel, intime, comme des sous-vêtements.

G… N… C… Ah! Des lettres fantômes apparaissent en transparence. Un message secret et diaphane sur le papier. J’ai pas compris. Ai-je gagné, ou ai-je perdu ?

Une troisième goutte. C’est sans doute l’état de somnolence dans lequel je suis, mais le son me paraît plus proche, comme s’il menaçait de couler à l’intérieur de mon système auditif. Un escargot se glissant dans sa coquille, laissant derrière lui le dessin visqueux de son passage.

J’ai mal aux gencives, j’ai mal aux dents. La nuit arrive et dans mon sommeil je fais du bruxisme. Ce genre de bruit grinçant qui te fait enterrer les ongles dans la peau de ta main, contracter à fond les phalanges : des demi-lunes qui s’esquissent sur ta paume.

L’autre, elle me regarde de son œil vert. Elle me fixe de son œil violet. Son accoutrement stupide, ce tailleur rouge vif : tu l’as mis pour qui ? ça me donne des envies de violence, des pulsions de meurtre. Moi taureau, je piétinerais ton costume.

On se moque de qui ? J’ai l’impression qu’on me regarde, qu’on se fout de moi. Dans cette salle vide, j’entends des rires, je me sens seule et ridicule. Je me cache, je me rhabille. Je suis le roi nu de qui on se moque. Je suis le roi nu, l’exhibo qu’on pointe du doigt. J’ai les joues écarlates, j’arrête. J’ai trop fait la comédie.

Je laisserai derrière moi directement sur le sol, l’ombre de ma traversée. Les contours de mon épopée grandiose, vous pourrez tous les retracer au feutre et au pinceau. Je plume les plus belles plumes de mon plumage : je vous laisse le bleu, le vert, et l’or de ma queue de paon.” 



“Pour la réforme de la vue”
huiles sur tissu, feutre sur polystyrène, 150cm x 240cm, 2020






“Pauvre dirigeante aimante”
huile, aimants, peinture aimantée, pastel sur tissu, 145cm x 80cm, 2020



“Aujourd’hui”
huile sur toile, 195cm x 130cm, 2020








“La blues de la Terre”
craie, peinture pour tableau effaçable, plastique, tissus, 135 cm x110 cm, 2020


“De cambriolage en cambriolage”
acrylique, résine, feutres effaçables sur toile, 135cm x 110cm, 2020




“Une artificière en prison”
feutres, huile, scotch sur bâche, boutons-poussoir, tissus, 170cm x 115cm, 2020